Newsletter : Maladie Dentaire du Lapin
La maladie dentaire chez les NACs est un gros sujet qui pourrait faire l'objet de toute une conférence voire d'un cycle de formation, nous développons ici les points clés.
Les lapins possèdent une dentition élodonte. Toutes les dents poussent en continu tout au long de leur vie et les racines sont ouvertes. En moyenne les incisives poussent de quelques millimètres par semaine contre une dizaine de mm par mois pour les dents jugales. Une alimentation déficiente en fibres cause une pousse plus rapide des dents.
Une étude récente menée avec des vétérinaires généralistes au Royaume-Uni montre une prévalence de la maladie dentaire autour de 15%, un service spécialisé NAC au Chili évalue la prévalence autour de 25%.
La malocclusion est multifactorielle.
Certains facteurs de risques ont ainsi pu être identifiés, les mâles semblent plus touchés de même que les lapins plus âgés. Au contraire, une corrélation négative a été mise en évidence avec la taille, un mode de vie libre et la présence de foin dans l'alimentation.
Les lapins brachycéphales et béliers sont aussi plus à risque de présenter une malocclusion dentaire mais les études ne sont pas toutes concordantes sur ce point. Des traumatismes peuvent également jouer un rôle, de même le métabolisme du calcium pourrait jouer un rôle dans la maladie dentaire.
Lors de l'examen dentaire on évalue :
- Le nombre de dents par quadrants (formule dentaire I 2/1 C 0/0 PM 3/2 M 3/3)
- La couleur des dents et leur qualité (on verra souvent des dents jaunâtres, des défauts de minéralisation, voire des stries signifiant une infection apicale)
- La longueur du plateau dentaire (les dents ne se touchent pas au repos)
- L'angulation du plateau dentaire (15-20°, un angle assez similaire entre les quadrants maxillaires et mandibulaires et une couronne clinique non incurvée)
- La présence de pointes (linguales sur les quadrants mandibulaires et jugales sur les quadrants maxillaires principalement, écarter la joue pour une meilleure visualisation)
- L'hyperplasie gingivale (les dents sont souvent anormalement courtes et décolorées dans ces cas et l'espace interdentaire est augmenté)
- La présence de restes alimentaires dans la bouche ou d'hypersalivation
- La présence de lésions des tissus mous, en particulier d'ulcères linguaux ou jugaux
Une courte anesthésie, une table de dentisterie et un vidéo-otoscope renforcent la sensibilité de l'examen dentaire. On pourra alors évaluer la mobilité dentaire, la présence de maladie parodontale, notamment de poches gingivales.
Faire un bilan radiographique permet également d'évaluer la couronne de réserve et les racines, d'évaluer la rétrocroissance, l'angulation, la position relative des dents, la surface occlusale, les espaces interdentaires, la minéralisation des dents et la présence d'abcès dentaire.
Un article d'Estella Bohmer définit des lignes radiographiques standardisées pour évaluer la dentition des lapins ainsi que des principaux rongeurs domestiques. Par ailleurs, son livre de dentisterie revient en détail sur la pathologie dentaire et les techniques de dentisterie associées.
Lorsque les dents s'allongent, les pressions réparties sur le plateau dentaire finissent par accentuer la légère angulation physiologique de la couronne créant ainsi des pointes. L'élongation a également pour effet d'accroître la pression sur le plateau dentaire et les racines en raison d'un contact renforcé entre les dents mandibulaires et maxillaires. Ceci a pour effet à terme de créer des lésions apicales, de changer l'angulation à la racine et à terme peut causer de la rétrocroissance des racines pouvant aboutir à la formation d'abcès.
La prévention est donc clé. Une posture attentiste par rapport à la malocclusion pourrait permettre la mise en place de lésions irréversibles.
Les parages dentaires sont des interventions peu invasives, l'apprentissage de cette procédure est assez rapide et on peut se fournir le matériel nécessaire à peu de frais.
La procédure vise à éliminer les pointes, corriger la longueur puis l'angulation.
L'intervalle de parage nécessaire est très variable d'un individu à un autre. D'expérience la plupart des malocclusions peuvent être gérées avec des parages tous les 3-4 mois. L'intervalle est à définir en fonction du degré de malocclusion, de la sensibilité du lapin et de la vitesse de pousse des dents du lapin que l'on évaluera lors des contrôles suite au parage et avec les retours des propriétaires.
Dans le cas d'une malocclusion localisée ou lorsque l'on identifie de la rétrocroissance, des extractions "préventives" sont une option viable.
Lors d'un abcès dentaire il existe principalement deux techniques chirurgicales permettant de résoudre durablement le problème.
Identifier en imagerie les dents impliquées dans l'abcès et évaluer l'ostéolyse puis débrider l'abcès et les tissus lysés, extraire les dents impliquées par voie orale ou extra-orale puis marsupialiser l'abcès. Les abcès dentaires impliquent le plus souvent (73%) des infections mixtes aérobies et anaérobies, le fait de laisser l'abcès ouvert permet ainsi d'exposer ces bactéries à l'oxygène et de poursuivre des soins locaux. Cette technique guidée par scanner permet des taux de récidive bas (environ 8%) et un intervalle moyen sans maladie dentaire de 29 mois.. Le principal inconvénient est l'aspect esthétique durant la cicatrisation et la nécessité d'avoir des propriétaires impliqués et assidus sur les soins.
Une autre technique consiste à refermer l'abcès après l'avoir comblé avec des compresses imbibées d'antibiotiques. Cette technique est efficace mais a l'inconvénient de nécessiter des réinterventions chaque semaine pour remplacer les compresses et cureter le site chirurgical jusqu'à résorber l'infection. Certains auteurs proposent par ailleurs de pratiquer cette procédure en conservant les dents infectées et obtiennent ainsi une guérison de l'ordre de 85% ce qui permet une chirurgie potentiellement moins invasive, en revanche le temps moyen sans maladie est plus faible qu'avec marsupialisation et extraction (375 jours).
Le traitement antibiotique seul même au long terme en se basant sur des cultures fournit des résultats décevants avec seulement 25% des cas qui montraient une guérison. Il doit être à mon sens seulement palliatif.
Les malocclusions des incisives sont également assez fréquentes. Mieux vaut extraire les dents concernées, sinon des parages peuvent être nécessaires à intervalles très rapprochés et des lésions apicales peuvent se développer.
La technique pour les extractions est bien décrite dans le livre de dentisterie de Bohmer. De manière résumée la technique consiste à disséquer le ligament parodontal sur les 4 faces avec une aiguille incurvée suivant la dent puis de luxer la dent à l'aide d'un luxateur spécifique (luxateur de crossley) en appliquant une légère pression dans chaque direction pendant quelques secondes pour rompre les fibres. Les dents infectées ou anormales sont souvent fragiles, le travail de dissection et de luxation doit donc être patient et appliqué. On vérifiera si le tissu germinal a été extrait avec la dent pour limiter les risques de repousse. Si le tissu germinal reste dans l'alvéole alors on tentera de le détruire en l'écrasant avec la dent ou une aiguille aplatie.
Une bonne analgésie et un protocole anesthésique adapté sont primordiaux en dentisterie des lapins, les blocs nerveux donnent notamment des résultats très satisfaisants et permettent souvent une reprise d'alimentation plus rapide qu'avec un protocole systémique seul. Les blocs infra-orbitaires, mentaux ou infra-alvéolaires sont relativement facile à faire et donnent de bons résultats en complément d'une infiltration locale.
Dans les cas de maladie parodontale/gingivite, les anti-inflammatoires et le laser donnent des résultats intéressants. Certains auteurs suggèrent également une gingivectomie et détartrage en même temps qu'un parage dentaire pour limiter le dépôt de bactéries et la formation de poches parodontales. On prendra soin également de ne pas trop échauffer la dent durant les parages en augmentant la vitesse, en ne restant pas trop longtemps sur une dent et en utilisant une fraise en bon état.
Certains cas de maladie dentaire à un stade terminal avec une ostéolyse majeure, des fractures pathologiques ou des tumeurs buccales peuvent nécessiter des procédures plus invasives comme une mandibulectomie.
On n'insistera jamais assez sur le fait que la prévention est clé dans la maladie dentaire, chaque lapin qui passe entre vos mains devrait avoir eu un examen dentaire !
L'essentiel
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